Une Forme d’Expression Universelle : La Gravure

Gravures Historiques

Il serait irréaliste de restreindre la paternité de ces gravures aux seuls bergers ; depuis le XVIIIe siècle la Montagne est devenue de plus en plus fréquentée, de plus en plus accessible et de plus en plus attractive ; et il faut intégrer la présence militaire dans cette zone frontière et les migrations de Piémontais pour lesquels cette limite n’a jamais eu de réalité.

Tous ont eu de bonnes raisons de laisser une trace :
-les bergers, d’abord pour marquer leur territoire, ce qui est un besoin universel et immémorial de tous ceux qui mènent une terre si réduite soit-elle
ensuite, pour exprimer leur philosophie, voire leurs états d’âme, généralement de façon positive
-les soldats : fiers de montrer leur emprise sur un territoire hostile, fiers de leur mission,mais aussi traumatisés par leur existence dans des conditions extrèmement difficiles
-les touristes, qui dans leur enthousiasme d’avoir « vaincu » la montagne, deviennent lyriques

It seems obvious that shepherds are the main contributors for the traces, but , starting in the XVIIIth century the mountain was increasingly visited for strategic reasons by military topographs, engineers, soldiers then tourism rised from mid XIXth century..

All of them had solid reasons to leave a trace :
Shepherds to mark their territory first, this is a universal and eternal trend for all people managing land…
Military people : proud to show their control over a difficult territory : the mountain, but also having a high spirit of their mission (Fig 5)and also suffering from the climate and the long days far from home.
Tourists, excited of their « victory » in the mountain and becoming lyric…

Au temps de la Révolution française, ces « soldats de l’An II » , mal équipés,affamés, mal commandés expriment un idéal;et un certain général Bonaparte saura les emmener dans une incroyable aventure…
Cette affirmation irrécusable éclaire leur état d’esprit de façon plus crédible que des pages d’analyse de documents traditionnels.
Cette qualité remarquable, sinon unique, se retrouve dans de très nombreuses autres traces à caractère historique de ces vallées.

« Guerre de la liberté-1793-Joly capitaine au 1er Bataillon de Chasseurs de l’Isère »

Fig 5- Le capitaine Joly nous laisse un monument dans le style des inscriptions gallo-romaines dans le droit-fil des mots d’ordre révolutionnaires.

This is the trace of soldiers of « L’An II » of the French Revolution
These guys had poor equipment, almost no food,were poorly commanded,until general Bonaparte lead them towards an unexpectable Aventure…
It is quite rare that, beside their name, date soldiers mention their philosophy ;this trace tells us (in undeniable and absolutely reliable manner)their mood in terms more pertinent than pages of analysis of classical documents.

We will find this characteristic in many traces also left by shepherds and visitors

Pasteurs-graveurs

Le Berger est l’usager naturel de la Montagne, son habileté à orner notamment les colliers de ses animaux est reconnue.

Fig 6- Du travail fin -au couteau- du bois des colliers, à celui de la pierre avec le même type d’outil ; il y a une cohérence technique et la petite taille de beaucoup de gravures requiert cet outil, ou une pointe fine.

Mais il sait aussi marquer avec soin et souvent  humour ses bêtes, et ses outils.

Fig 7-8- Marquages, il y a aussi des bergers mélomanes.

La transposition de ces marques au rocher semble tout à fait logique.

« H H 1777 »

Fig 9-De simples initiales, une date et les marques de l’érosion.

Mais ces signes s’adressent à ceux qui savent les lire, les comprendre : ses proches, ses collègues.
Leur répétition dans la montagne dès 1700m d’altitude a souvent été interprétée comme un passe-temps improductif, inutile ; en fait leur compilation permet de mieux saisir la dynamique pastorale : les itinéraires, la gestion des pâtures, les concurrences, les traditions, les dynasties de bergers : toutes informations qui semblaient perdues.

The shepherd is a natural user of the mountain- It is well known that they pay much attention and skill to ornate sheep collars,but also to carefully mark the animals, either with symbols or with their initials
This probably let them  to carve in the stone similar symbols.

Obviously these traces can only be understood, « read » by  the family, the friends,the colleagues.
One will consider them as so simple that their repetition in all the mountain , starting about 1700m altitude is useless… In fact , mapping of these traces allow to follow pasture management and dynamics, competiton, traditions, shepherds dynasties

all information which was thought to be lost

A partir du XVIIIe siècle, apparaissent les noms et prénoms, associés à l’année et parfois le jour et le mois.

Les parlers locaux étaient le provençal et l’Italien .Peu de documents existent dans cette langue; à sa différence le Provençal a toujours été un parler et non une langue écrite, au moins pour les bergers; il ne faut donc pas espérer trouver des textes en cette langue, contrairement à ce que pourrait laisser croire la remarquable gravure du portail de l’église de Maurin.« 1531  LO 14 DE FEBRIER SLAVANCHA LA GLEIZO »

On peut aussi considérer que l’emploi du français-généralement très correctement écrit- a été considéré comme valorisant ; mais c’est sans doute aussi une expression du sentiment d’unité nationale qui est devenu de plus en plus intense jusqu’à la première guerre mondiale.

« Vis de telle manière que si la mort te surprend elle te trouve toujour prêt »

Fig 10- Cette gravure court sur près de 3m, elle a été réalisée à genoux .La citation est issue de « L’imitation de Jésus-Christ », un ouvrage qui jusqu’au XXe siècle eut une diffusion comparable à celle de la Bible.

By the XVIIIth century, names and surnames appear, often with mention of the year or date and curiously, despite these people usually spoke Italian or Provençal dialect,almost all citations are written in French.Simply because  provençal has always been only spoken, not written, especially by shepherds, despite the remarkable sentence on porch of Maurin’s church.
One can guess that the use of French was considered as more noble for an action :carving which was important and dedicated to foreigners to the Valley ; this also may-be an expression of national unity feeling  which came more and more intense until World-war I

Fier d’Être Berger

Le statut de BERGER est souvent fièrement revendiqué, associé à l’expression « BERGER DE » ; cette particule est dans la logique des titres de  noblesse : une responsabilité et un territoire.

Fig 11 : » Reynaud Jojeph berje a Maurin »…

La gravure n’a pas été endommagée, c’est le scripteur qui faute de place a improvisé la gestion du nom du lieu qui selon lui ne devait être ni abrégé, ni sacrifié.
L’étude des « repentirs » des graveurs apporte souvent de précieuses informations sur ce qui, dans leur esprit, est essentiel.

L’âge du berger est parfois mentionné :
Il y a une légitime fierté à faire savoir que tout jeune on a assumé la responsabilité de la conduite du troupeau, de là à considérer qu’il pourrait s’agir d’un rite de passage comparable à celui des Compagnons du Tour de France qui laissent leur trace en des lieux symboliques comme le Pont du Gard, il n’y a qu’un pas…imprudent :car les bergers actuels nient l’existence d’une pratique rituelle tout en reconnaissant la légitime fierté du jeune berger , par ailleurs les bergers n’ont jamais été organisés en Corporations ; bien plus sur 5500 documents recensés, la fréquence de ces commémorations est si faible qu’elle ne cadre pas avec un rite établi.

Frequently the  term « BERGER »(Shepherd) is proudly mentioned and linked to the location « Berger DE » , it is quite simlilar to the french noble term « DE » (OF)underlining the link between the locality and the responsibility.
In some cases, the age of the shepherd is mentioned
He is sometimes quite young and it seems logic that a young shepherd should be proud to have for the first time the responsibility of leading the herd,some believed that there was some kind of ritual, like the tradition of Compagnons du Tour de France who left their traces in the stone of reference sites, like Pont du Gard.

This nice theory cannot be supported as :
-actual shepherds do not recognize this practice as a ritual, even if the responsability of a young shepherd is fair and may be signed in the stone
-the frequence of this type of traces  is too low to support a ritual
-shepherds have never been organized as a guild with its rites

Le métier de berger est réputé être très masculin, nous trouvons cependant de nombreuses traces de bergères qui ne manquent pas d’esprit.

The shepherd’s practice is  generally considered  as dedicated to men only, here we have a number of  witty  shepherdesses with high spirit , we will see that in coming pages..

Philippine

Julie

Henriette

Eva

Cecile

Apollonie

Antoinette

Marie

Chantal

et bien d’autres, témoignent de leur activité de bergères et de leur esprit, voire de leur dépit :

12-« FOLLE BREBIS QUI SE CONFESSE AU LOUP »

These numerous surnames of shepherdesses assess their activity, their spirit and sometimes their resentment :

« MAD IS THE EWE WHO CONFESSES TO THE WOLF »

On note que les surnoms et sobriquets sont absents alors que les familles sont nombreuses, les noms en petit nombre et les prénoms souvent conformistes, parfois c’est le lieu qui permet de s’identifier : Julie DEVARS (et non de Vars), REYNAUD de Maurin.

Dans ce qui s’est publié jusqu ‘ici les bergères n’avaient guère de place ; ces traces nous amènent une fois de plus à réviser nos certitudes

Nicknames are never used, despite the existence of large families, the low number of first names and surnames. In most cases the mention of birthplace or settlement enables identification.(Julie DEVARS, REYNAUD de Maurin)

Already published data paid few attention to shepherdesses, these traces need  for us ,to revise, once more, our certitudes.

Voici la bergère dite « ELISA » ; une gravure emblématique, d’apparence simpliste et pourtant évocatrice ; en fait, très savante. Fig 13

 

      Sa petite taille (12cm) et sa qualité d’exécution (incision puis usure) nécessitent une réelle technicité et un long travail.

En regard des quelques rares représentations de bergers et bergères qui sont souvent réalistes jusqu’à la caricature ; nous sommes ici face à une représentation stylisée, de face -ce qui est rare-tout à fait pacifique, positive.Ce positionnement et cette schematisation ont suscité quelques études des psychologues sur des cas célèbres analogues, le personnage de Mickey en particulier.

La tête et son aspect solaire ou floral contribue à cette attitude joyeuse.Fig 14


Enfin le dessin de la robe n’est pas anodin et constitue probablement un élément de datation…cette gravure est accompagnée de très nombreuses traces de la fin du 18e siècle et d’une signature Julie DEVARS. Fig 15

 

Dans ces conditions l’hypothèse du travail d’un enfant devient assez improbable.
Cet ensemble gravé est porté par une dalle dont la situation par rapport à la position du soleil a été probablement un critère de choix, en effet de multiples visites n’ont pas permis d’avoir une lisibilité optimale en toutes saisons. Cette fonction de « cadran solaire » n’est pas généralisable à l’ensemble gravé de ces vallées ; ce qui est en contradiction avec nos reflexes et notre logique  moderne .

I am happy to introduce you, shepherdess « Elisa » ; an emblematic engraving, at first glance so simple, but in fact suggestive and skillfull.Its small size (12 cm height), its quality (incision then abrasion) required technical skill and a long time.In comparison to traditional figures of shepherds, so realistic and sometimes caricatural ; we have here a stylized figure, unusually positioned full-face and looking positive, peaceful.

Such attitude has already been studied by psychologists who particularly focused on a famous character:Mickey.The head with its solar or floral look contributes to its joyful appearence.The dress motifs are probably an element enabling dating…this trace is part of a cluster of numerous incisions from 18th century and one signature : Julie DEVARS.Facing these elements the work of a child appears improbable.

The position of this slab ,facing sunlight is remarkable : full readability is achieved only at specific hours , depending on the season.
This « sundial » effect is far from beeing the rule in these valley’s incisions, means that our modern logic again fails here.